La Terreur
La Terreur (1793-1794), menée par Robespierre, Saint-Just et le Comité de salut public, surgit dans un contexte de guerre extérieure, d’insurrections intérieures et de divisions révolutionnaires. Elle repose sur l’idée que la République, menacée, doit se défendre par des mesures d’exception : justice expéditive (Loi des suspects), exécutions, contrôle économique (loi du maximum), culte civique. Inspirée par Rousseau et la vertu républicaine romaine, elle justifie la violence comme moyen de régénération sociale et politique. Opposée par les Girondins, Dantonistes, Hébertistes et dénoncée à l’étranger (Burke), elle prend fin avec la chute de Robespierre en juillet 1794. Historiens et penseurs débattent encore : nécessité de salut public (Soboul) ou dérive totalitaire (Furet).
La Terreur s’inscrit dans le cadre de la Révolution française, entre 1793 et 1794, après l’abolition de la monarchie (1792) et l’exécution de Louis XVI (21 janvier 1793). La jeune République est menacée de toutes parts : guerres extérieures contre les monarchies européennes (Première coalition), insurrections intérieures (Vendée, révoltes fédéralistes à Lyon, Marseille, Bordeaux, etc.) et divisions profondes entre les factions révolutionnaires (Girondins, Montagnards, Enragés, Hébertistes, Indulgents). Le Comité de salut public, dominé par Robespierre, Saint-Just et Couthon, devient l’organe central de gouvernement, cherchant à assurer la survie de la République au prix de mesures d’exception.
Sources :
- Albert Soboul, La Révolution française, Gallimard, 1962.
- François Furet, La Révolution française, Hachette, 1988.
Idées principales
La Terreur repose sur l’idée que la République est en danger et doit être défendue par tous les moyens.
- La souveraineté populaire est affirmée, mais conditionnée par la vertu et la vigilance contre les ennemis intérieurs.
- La violence politique est justifiée comme un outil temporaire au service de la liberté. Robespierre résume cette idée dans son discours du 5 février 1794 (Sur les principes de morale politique), où il définit la Terreur comme « une justice prompte, sévère, inflexible » issue de la vertu républicaine.
- Les lois révolutionnaires (comme la Loi des suspects, 17 septembre 1793) élargissent la définition de l’ennemi, légitimant arrestations et exécutions massives.
- La Terreur vise également une transformation sociale : contrôle des prix (loi du maximum), lutte contre l’accaparement, promotion de la vertu civique et tentative de déchristianisation ou de culte civique (Culte de l’Être suprême).
Sources :
- Maximilien Robespierre, Discours sur les principes de morale politique, 5 février 1794.
- Michel Vovelle, La Révolution contre l’Église, Complexe, 1988.
Arguments
Les partisans de la Terreur avancent plusieurs justifications :
- Nécessité de salut public : sans mesures exceptionnelles, la République périrait face aux coalitions étrangères et aux traîtres intérieurs.
- Justice révolutionnaire : les ennemis de la liberté n’ont pas droit à la clémence.
- Vertu et régénération : la violence est vue comme un passage obligé pour refonder une société républicaine juste et égalitaire.
- Égalité sociale : protection du peuple contre la spéculation et les abus économiques.
Sources :
- Saint-Just, Rapport sur les ennemis de la République, 1793.
- Albert Mathiez, La Révolution et la Terreur, 1920.
Opposants
La Terreur suscite de vives oppositions :
- Les Girondins, hostiles à la centralisation et aux excès parisiens, sont éliminés en 1793.
- Les Hébertistes (ultra-révolutionnaires) critiquent la modération relative de Robespierre ; les Indulgents de Danton jugent au contraire la Terreur trop excessive. Les deux groupes sont guillotinés en 1794.
- À l’étranger, des penseurs comme Edmund Burke (Reflections on the Revolution in France, 1790) dénoncent la violence et la dérive tyrannique.
- Après Thermidor (juillet 1794), les survivants de la Convention (thermidoriens) retournent l’argument : la Terreur apparaît comme une dictature sanglante ayant trahi les idéaux de 1789.
Sources :
- Edmund Burke, Reflections on the Revolution in France, 1790.
- Patrice Gueniffey, La Politique de la Terreur, Fayard, 2000.
Influences
La Terreur est nourrie par :
- La tradition rousseauiste : l’idée de volonté générale et de vertu civique (Jean-Jacques Rousseau, Du Contrat social, 1762) inspire Robespierre.
- Les Lumières radicales : la critique des privilèges, la défense de l’égalité et de la souveraineté populaire.
- Les guerres de religion et l’histoire romaine : Robespierre et Saint-Just se réfèrent à la vertu républicaine de la Rome antique et à la dictature comme instrument de salut public.
- Discours révolutionnaires : Marat, Hébert, les journaux révolutionnaires incitent à la vigilance et à l’élimination des ennemis.
Sources :
- Jean-Jacques Rousseau, Du Contrat social, 1762.
- Robespierre, Discours sur la Constitution de 1793.
- Patrice Higonnet, Goodness Beyond Virtue: Jacobins during the French Revolution, Harvard University Press, 1998.